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2 septembre 2011 5 02 /09 /septembre /2011 10:28

par FX Devetter et S. Rousseau, Maitres de conférences Sciences économiques

30.08.11

 

Depuis 2005, les gouvernements successifs ont accordé de nombreux avantages aux services à la personne au nom de lutte contre le chômage : réduction d'impôt sur le revenu, exonération de TVA, suppression de cotisations sociales, etc. Mis bout à bout, ce sont plus de 6 milliards d'euros de niches fiscales en faveur des services d'entretien du logement, du soutien scolaire ou des services de jardinage par exemple. Depuis le plan Borloo, ces aides constituent l'une des principales politiques de l'emploi menée par les gouvernements. C'est d'ailleurs cet argument, le maintien de l'emploi, qui a été utilisé par Valérie Pecresse pour justifier le maintien de cette niche fiscale.

Pourtant les résultats ne sont pas au rendez-vous : le coût par emploi est extrêmement important tandis que ce type de consommation (ménage, jardinage, etc.) demeure très inégalitaire.

Le secteur est parfois présenté comme ayant créé plus d'un million et demi d'emplois... Mais lorsque l'on intègre toutes les dépenses en sa faveur, que l'on écarte les emplois existants avant toute politique de développement ainsi que ceux que les évolutions naturelles auraient permis de créer et surtout lorsque l'on ramène ces emplois à des « équivalents temps plein » alors le coût d'un emploi dans les services à la personne dépasse les 50 000 € annuels (soit plus de deux fois le SMIC brut annuel) (voir notamment le rapport du Sénateur centriste Joseph Kergueris)... L'expression « sur-calibrage » adoptée par l'Inspection des finances prend tout son sens. Mais au-delà de leur coût, ce qui est le plus gênant dans cette politique d'emploi est la mauvaise qualité des emplois ainsi créés. Les services à la personne se caractérisent en effet par des formations quasiment inexistantes, des perspectives d'évolution nulles, aucune mixité (99 % de femmes), des salariées relativement âgées, des temps de travail plus que partiels (entre 10 h et 20 h hebdomadaires selon les sources) et des salaires qui ne permettent le plus souvent pas de dépasser le seuil de pauvreté. Pour le dire rapidement, ils ne constituent pas des emplois durables, mais des « emplois refuges » pour des femmes sans qualification reconnue et donc « à faible employabilité ».

Si les bénéfices en termes de création d'emploi sont médiocres (et se limitent largement à du blanchiment de travail au noir), les résultats en termes de redistribution sont franchement catastrophiques. En effet, ces exonérations fiscales et sociales bénéficient majoritairement aux ménages les plus aisés. La communication sur les « besoins » des jeunes couples actifs est bien rodée, mais la plus grosse part des services à la personne demeure des emplois de « femmes de ménage » dont le recours est extrêmement inégalitaire : pour les ménages dont la personne de référence a moins de 60 ans, si près d'un tiers des ménages appartenant aux 5 % les plus riches recourt à une aide domestique rémunérée, les ménages disposant d'un revenu inférieur à la médiane (soit 50 % des ménages) n'y recourent pour ainsi dire pas du tout. La démocratisation de la demande est bien illusoire et la corrélation entre l'importance de ce type d'emploi et les inégalités sociales est particulièrement forte... Au final, selon l'INSEE, 73 % de ces dépenses fiscales assises sur l'impôt sur le revenu (soit près de 3 milliards) profitent aux 10 % les plus aisés des contribuables...

Le développement des services à la personne a bénéficié d'une aide massive de l'État, notamment depuis le plan Borloo de 2005. Ce choix politique a profité aux services de confort alors même alors même que, dans un contexte de limitation des dépenses publiques, les activités socialement utiles du « care » (aide aux personnes âgées notamment) souffrent d'une limitation stricte des crédits (l'Aide Personnalisée à l'Autonomie par exemple). Lorsque l'on se demande comment financer une politique de la dépendance (dont la réforme a été remise à plus tard faute de marges de manœuvre financières), on peut penser qu'un regard en direction des niches fiscales relatives aux services à la personne donnerait une bonne part de la réponse...

 

François-Xavier Devetter et Sandrine Rousseau, économistes et auteurs de Du balai. Essai sur le ménage à domicile et le retour de la domesticité. Éditions Raisons d'Agir.

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