Jean-Marie Le Pen n'était pas passionné par le sujet, sa fille
fait mine de l'être, qui met en doute « la viabilité d'une planète dont le seul projet collectif serait de généraliser à 7 milliards d'individus le niveau de consommation et de
gaspillage des ressources sur le modèle Etats-Uniens ».
Elle est aujourd'hui conseillée par Laurent Ozon, ex-chef d'entreprise, sociologue et écologiste, ancien proche des
milieux altermondialistes, mais aussi des identitairesauxquels il ressemble (Ozon considère que l'immigration est un fléau
social et environnemental).
Rencontré cette semaine, le nouveau conseiller se présente comme un « élément structurant du FN ». Il est en charge de l'écologie, membre du bureau politique et responsable de
la formation :
« Je ne suis pas un conseiller de l'ombre. Je suis dedans et j'aspire à y consacrer tout mon temps. »
Depuis le mois de janvier, Laurent Ozon impose donc sa patte alter. Il a « collaboré » à l'écriture du chapitre écologie du discours de Tours (« En général,
quand Marine Le
Pen ne sait pas, elle consulte »). Et multiplie les prises de position sur les sujets écologiques du
moment, sur le site du parti.
L'écolo rejoint le FN pour ne plus « enfiler des perles »
C'est aussi lui qui a été à l'initiative de l'étrange conférence de presse du 7 mars. Ce jour-là, Marine Le Pen s'exprime sur les scandales alimentaires, devant des journalistes aux yeux
écarquillés. L'actualité : la sortie du documentaire de Marie-Monique Robin. (Voir la vidéo)
La présidente du FN trébuche sur quelques mots dès le début. Elle n'a pas l'air de savoir de quoi elle parle. En contraste, Laurent Ozon, à sa droite, aborde des sujets complexes. Il
s'attaque à l'aspartame et au bisphénol A :
« L'objectif était de montrer que nous pouvions avoir une analyse profonde, technique et autonome. Ça valide l'expertise du FN sur ces questions-là. »
Après son discours, les journalistes n'ont posé aucune question sur le fond. Laurent Ozon n'a pas apprécié. C'est son inquiétude : que le programme écologique du FN n'intéresse personne.
Le sociologue de 43 ans s'est tourné vers le FN, un peu par défaut, pour être « entendu ». Il en avait marre « d'enfiler des perles » :
« Si j'avais fait cette conférence de presse tout seul, il y a six mois, ça n'aurait pas intéressé grand-monde. »
« Avec nous au pouvoir, Peugeot aurait du souci à se faire »
Le programme écologique du FN pour 2012, il le souhaite radical, avec un fort impact médiatique. Pour le moment, Marine Le Pen a l'air de le suivre et de l'encourager.
Laurent Ozon travaille, depuis des années, sur le thème du localisme. L'idée est d'organiser la « relocalisation des activités humaines ». Privilégier les circuits courts de
production pour diminuer l'impact écologique, favoriser l'emploi local et casser les marges des intermédiaires.
Selon lui, seul l'Etat peut imposer cette relocalisation. Laurent Ozon imagine, pour cela, des mesures incitatives (telle la détaxation de proximité dont les identitaires revendiquent la
paternité) et l'utilisation de « la contrainte ». « Avec nous au pouvoir, des entreprises comme Peugeot, qui souhaitent délocaliser, auraient du souci à se faire », dit
Laurent Ozon. La « grande distribution » est l'ennemi absolu :
« Pour être honnête, nous sommes sur une ligne très dure la concernant. Pour le moment, nous souhaitons tout simplement la tuer. Nous voterions des réformes qui rendent inadapté ce
type d'activité. »
Les militants FN feront-ils bientôt sauter des McDo et des Carrefour ? Silence. Oui ?
« Cela ne devrait pas être nécessaire, la politique doit suffire, mais la violence se justifie parfois. »
Laurent Ozon nous raconte qu'il a commencé sa carrière d'écologiste en « démontant le matériel » pour « bloquer les chantiers d'autoroute ».
« Les frontistes ne lâcheront jamais leur voiture »
Il va probablement avoir beaucoup de mal à embarquer les frontistes dans ces opérations commandos. Erwan Lecœur, sociologue, auteur de « Des écologistes en politique » (éd. Lignes
de repères), pense que Laurent Ozon, « un écologiste parmi d'autres dont les écrits ne sont pas extraordinaires », se trompe d'endroit.
Le nouveau membre du bureau politique du FN essaye de réconcilier des visions du monde incompatibles. Laurent Ozon a une vision écologiste radicale et cohérente. Erwan Lecœur dit que les
militants FN en sont loin. Ils ressentent la nostalgie d'une belle nature et aimeraient que les animaux soient mieux traités.
Ils sont en faveur de petites actions environnementalistes et de mesures écolo-compatibles. Le sociologue explique :
« Les frontistes souhaitent jouir de leurs ressources. Ils ne lâcheront jamais leur voiture, les autoroutes ou l'énergie nucléaire. Les grands champions de la puissance française ne
seront jamais remis en cause. »
Selon Erwan Lecœur, ni Marine Le Pen ni son père ne sont des idéologues. Ils cherchent simplement des idées qui leur permettent de séduire des électeurs perdus et dégoutés du système. Marine
Le Pen fait du « façadisme », « de la cosmétique » :
« Elle met du vert sur du marron et cela donne un motif militaire. »
« Des pointures internationales »… mais qui ?
Comme Alain Soral, Laurent Ozon n'est qu'une mine d'idées « à piller et à mettre en verbe ».
Mais, après la présidentielle, son destin risque d'être le même. Jeté.
En attendant, l'homme vert du FN, qui a lâché la direction de son entreprise de sécurité informatique, travaille « sur sept ou huit dossiers » – le photovoltaïque, l'hydrogène ou
l'aménagement du territoire.
Laurent Ozon fait partie des experts que le FN souhaite mettre en avant pour crédibiliser son image. L'écologiste assure au passage qu'il côtoie dans le cadre des réunions de travail du FN
des experts renommés et « des pointures internationales ». Mais comme d'habitude au FN, « on ne donnera aucun nom ».